La francophonie au Canada va-t-elle disparaitre ?

À l'extérieur du Québec? C'est fort possible. Même que ça semble inévitable. Il n'existe presque plus de lien national fort pour la communauté francophone. Cet état des choses est en parti imputable à la dissociation du Québec vis-à-vis des autres Canadiens français. Alors qu'autrefois Montréal était la capitale culturelle des Canadiens français (et anglais, bien sur) du Canada, elle est aujourd'hui bien plus définie comme la métropole du Québec, et les Québecois ne se définissent que rarement comme ''Canadiens français''.

Jadis, il y avait des communautés francophones présentes partout au Canada, des maritimes à la Colombie-Britannique. C'est encore le cas dans une certaine mesure, comme le démontre la carte suivante:

On peut retrouver des petites pochettes de population francophones dans les provinces des prairies: Manitoba, Saskatchewan et Alberta. Respectivement, on les appelle les franco-manitobains, les fransaskois et les franco-albertains.

Ces populations sont toutefois en état d'assimilation constante depuis le début du XXe siècle. Lors des recensements dans ces provinces, il est possible de constater qu'une proportion significative des habitants déclarent avoir une origine ethnique francophone. Le nom de plusieurs villages des prairies indiquent souvent leur passé francophone. La plupart sont désormais anglicisés, mais certains comme Saint-Boniface, persistent. Au Manitoba par exemple, l'utilisation de la langue française a été réprimée pendant de longues décennies, si bien que moins de 3% des Manitobains se déclarent désormais comme francophones.

À l'heure actuelle de l'immigration de masse et du multi-culturalisme, la langue française est souvent considérée de la même manière que la multitude des autres langues des nouveaux arrivants. L'idée des deux peuples fondateurs ne bénéficie plus d'aucun support, et est même souvent tournée en ridicule. De plus, à l'heure actuelle le Québec et la langue française sont entremêlés dans une querelle entre le Québec et les provinces de l'Ouest au sujet par exemple, de la péréquation fédérale et des projets d'oléoducs. Aussi bien dire que le Québec n'est pas actuellement dans les bonnes grâces des autres provinces.

Plus on se dirige vers l'ouest, moins le français a d'importance. En Colombie-Britannique, son impact est insignifiant, alors qu'il est loin derrière plusieurs autres langues et cultures en importance, notamment vu les fortes populations de Chine et d'Asie du Sud-Est. De plus, tous les étudiants qui apprennent le français à l'école, même ceux en immersion, perdent ensuite tout usage de la langue française tant le français est inexistant dans leur environnement. C'est la réalité de beaucoup de Canadiens, pour qui le français ne sert à rien dans la vie de tous les jours.

Les populations francophones de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, de par leur proximité avec le Québec, vont surement pouvoir perdurer. Les francophones des autres provinces maritimes (Nouvelle-Écosse (ancienne Acadie), Ile du Prince-Édouard, Terre Neuve) sont toutefois très à risque vu leur petit nombre.

Le Québec, lui doit également naviguer avec une forte croissance de la population allophone dans la grande région de Montréal. Il faut comprendre que Montréal a longtemps été une ville à majorité anglophone (1830–1930) et même jusqu'aux années 70, son apparence la définissait comme tel. Et malgré le départ de centaines de milliers de montréalais anglophones durant les 40 dernières années, elle conserve néanmoins une très forte minorité anglophone.

L'arrivée massive des immigrants allophones, accompagnée d'un laxisme définitif quant à la protection de la langue française, ainsi que d'une foule d'autres facteurs y compris l'accès au contenu américain (via Netflix par exemple) ont fait en sorte que la génération actuelle des jeunes allophones (et même les francophones!) ont développé une forte affinité pour la langue anglaise, si bien que dans le Montréal métropolitain (ile de Montréal, Laval, Longueuil) ont entend souvent plus d'anglais que de français, ce qui a renversé la situation des années 1980–2000 alors que le français s'était imposé de manière claire.

Voilà, c'est une dynamique un peu complexe, mais la réalité est qu'à toutes fins pratiques, le Canada est un pays anglais. Les anglophones, en majorité, ne savent pas parler français, alors que les francophones, en majorité, sont bilingues, puisqu'il n'est pas possible de fonctionner adéquatement sans parler anglais en dehors du Québec (excepté les zones francophones du Nouveau-Brunswick et sur la frontière Ontario-Québec).

Le concept d'un Canada bilingue est mort depuis longtemps, sacrifié sur l'autel du multiculturalisme dominé par l'anglais. Depuis le référendum de 1995, le Québec fait désormais cavalier seul au niveau de la protection de la langue française (via la loi 101, notamment), et les francophones du reste du Canada deviennent de plus en plus assimilés. Chaque génération nombreux sont ceux choisissent de ne pas apprendre le français à leurs enfants, phénomène qu'on a vu en Louisiane depuis 50 ans. Le processus va suivre son cours, avec un dénouement qui semble inévitable.


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